WIZ, Esprit, es-tu là?
Comment les fondateurs de Wiz refont des miracles après le succès d’Adallom
Sorcellerie. Qui n’a jamais rêvé de dessiner à même le sol un pentacle magique en glissant son doigt sur une minuscule couche de poussière (Aspirateur, outil malin)? La puissance émanant de la figure géométrique aux cinq branches, ainsi projetée, permet d’invoquer les forces de la création en manipulant l’eau, la terre, l’air et le feu grâce au cinquième élément, l’esprit (oubliez Leeloo/Mila Jovovitch) . Oui, mais pour cela il faudrait être un mage, un sorcier ou un illuminé (Luc besson fut les trois à la fois). Il en est d’autres, des sorciers, tels Rappaport, Reznik et Costica, suppôts du démon au sein de “Yehida shmone matayim”, littéralement l’unité 8-200 de l’armée Israélienne, qui regroupe les services de cyber surveillance identiques à la fameuse NSA. Après des années à faire le ‘mal’ (lire Foucault, surveiller et punir), ils cherchent la rédemption en 2011 à travers la création d’Adallom (la dernière ligne de défense), déjà pour protéger les nuages (digitaux). A l’époque (pas si lointaine), cela s’appelait le CASB (Cloud Access Security Booker), mais le marketing est roi (aux pays des aveugles) et tout a mué en ‘Cloud Security” (comme le serpent). Peu importe, car le Titan Microsoft, à l’aulne de Chronos n’a fait qu’une bouchée de la startup en l’avalant dès 2015 pour un montant qui rendu riches ses créateurs, en les tuant allégoriquement. Passé un purgatoire de cinq ans au coeur des ténèbres de Seattle, ne voilà-t-il-pas que tel Osiris l’Egyptien (qu’Israel a pourtant combattu), les voilà renaitre de leurs cendres en créeant Wiz (supra-intelligence, réminiscence du passé?) en 2020. Une renaissance, voire une resurrection aussi incroyable que fort probable, sachant que l’échec des startups est légendaire. Mais voilà, touché par la grâce (des capitaux des VC), et ayant beaucoup appris au royaume des morts, ils semblent invicibles et sont prêts à créer un mythe, que le scribe que je suis, le court instant d’un article, va vous révéler au-delà des limites de l’intelligible (mes lecteurs sont spirituels, ou ne sont pas).
Coup d’essai : Imaginez trois trouffions de la 7eme compagnie, terminant leur service militaire (qui n’existe plus alors que Putin veut nous attaquer), où deux bipèdes de la réserve citoyenne opérationnelle de cyberdéfense auréolés de leurs insignes d’officier (que le General Burkhard va leur arracher) qui créent une entreprise ex-nihilo pour s’attaquer à protéger (pléonasme) la défense souveraine (tant réclamée, rarement achetée). Pas évident que quiconque y contribue quelques deniers, mais à l’époque, en 2010, le CASB semble le nouveau nirvana, et plusieurs entreprises voient le jour grâce aux $ du Capital-Risque US ou IL: Skyhigh, Elastica, Firelayer, Bitglass et Adallom en autres. Toutes seront acquises par des ‘big fish’, respectivement McAfee, Symantec, Proofpoint, Forcepoint et Microsoft, et sont désormais oubliées dans les méandres de l’histoire (de la cyber). Ressortons de l’oubli les détails concernant Addalom en étudiant, non les tables de la loi, mais les tables de capitalisation, qui sont aussi chères à mes yeux, et autrement plus explicatives sur la frénésie de croissance.
La première table regroupe quelques hypothèses que j’énumérerai une fois votre premier regard jeté sur le talisman, porteur de forces magiques (financières) et de chance (entrepreneuriale).
Rappelons à votre esprit (égaré) la signification de chaque colonne qui doit soutenir notre entendement:
l’intitulé de la levée
la date à laquelle la levée a lieu
croissance de l’entreprise considérée - cette première inconnue est déterminante dans l’élaboration du modèle
le revenue estimé - il est calculé à partir de la croissance. Quelque fois connu, mais rarement
price-to-sales est synonyme de la cherté de l’investissement - il dépend du marché et de la solidité de la startup
le terme de l’investissement, c’est à dire le temps que va attendre l’investisseur pour recouvrer son profit
‘Term income’ tente de capturer la valorisation de l’entreprise lorsque l’investisseur décidera de vendre ses part, pour recouvrer son profit - dépend de la série
L’investissement qui est toujours connu à postériori
le retour sur investissement attendu, fonction de l’investissement, du terme et du rendement espéré - en général de 40 à 50% par an
le pourcentage de parts à acheter à la date d’investissement pour réalisé le ROI à la date de la vente - rapport entre le ROI attendu, et le “term income” estimé
Comme vous l’intuitez, il y a pas mal de devinettes (il faut être devin) et de martingales (il faut être magicien) pour atterrir sur ces chiffres (autre façon de dire qu’ils sont peut être faux). Comme pour les tours de magie, il n’est pas raisonnable d’en donner toutes les explications, mais cet exercice est moins compliqué qu’il ne semble. Les mystères aux yeux des béotiens (dont les miens) sont des données pour les praticiens de l’art magique du capital-risque grâce aux discussions avec les entreprises qu’ils convoitent. Bien sur, lire l’avenir pour imaginer les futures croissances et cherté du marché reste un exercice périlleux, mais les oracles des VC ont statistiquement raison. Vous remarquerez qu’à aucun moment le profit de la startup n’est cité. Ce n’est pas une supercherie. Seul importe la croissance du chiffre d’affaires (topline) et peut importent les bénéfices (bottomline) tant que l’entreprise peut payer ses créanciers et employés (Ebitda).
Comment ces hypothèses se traduisent-elles en participation et cours d’action. Il vous suffit de le suggérer par la pensée à votre serviteur pour le découvrir, en vous invitant à consulter la seconde table
On découvre les investisseurs dont le principal Sequoia Capital, qui est un des gros VC californien avec 85 milliards de $ de fonds investis. On remarque que l’entreprise a été rachetée par Microsoft assez rapidement, puisque 3 ans seulement se sont écoulés entre la série A en décembre 2012, et l’acquisition en septembre 2015. Microsoft a racheté en faisant un chèque de 250m$, soit 100m$ de plus que la précédente valorisation à 148,5 millions de $, Post-Money Valuation, lors de la serie C. Qu’est-ce que 100 millions de $ pour MS (si tu me les donnes pas, c’est que tu m’aimes pas chantait Solar)? Au passage les trois fondateurs (non les trois petits cochons) ont empoché 34,4% de 250 millions, soit environ chacun 28 millions de $ moins les taxes. Tout cela pour 3 années d’activité, avec à la prime un beau poste dans la fabuleuse entité de Seattle. Pas mal pour un coup d’essai.
Sabbat ou Schabbat : Bref, après un tel coup de maitre, d’autres se seraient reposés et auraient profité du repos éternel en lieu et place du schabbat dominical. Mais pas eux! Ils préfèrent s’adonner au sabbat des sorcières et replonger pour créer “Wiz” pour l’occasion (j’avais jamais remarqué que Labbat et Sabbat étaient si proches). Voilà les 3 compères affublés d’un quatrième, A.Luttwak, qui rejouent la partition dès 2020. Fort de leur grande expérience chez le Satan du secteur, Microsoft, (demandez aux pro de la cyber ce qu’il pense de MS), et probablement après une lourde préparation, ils décuplent leur puissance, grâce à leur toujours fidèle compagnon: j’ai cité Sequoia, qui est épaulé par Insight Venture, autre géant du VC avec 80 milliards en management, qui rajoute au pot magique. La comparaison des hypothèses va vous laisser pantois.
Je devrai vous laisser seul face à votre sidération tant le tour de magie stupéfie. Alors qu’Adallom avait atteint 27 millions de $ de chiffre d’affaires en 3 ans (table 1), Wiz culmine déjà à près de 700m$ (si mes élucubrations sont bonnes) en peu ou prou la même durée (table 2). Le marché semble envouté, et pourtant la compétition existe avec des pure players tels Orca Security, Lacework et Aqua Security (la vie est un éternel recommencement). La croissance est tout simplement démoniaque, notamment à l’origine avec une ascension vertigineuse déclinée en quadruple digits. Bien entendu le marché du cloud est plus vigoureux 10 ans après l’aventure Adallom, mais nul doute que le tour de passe-passe a été savamment préparé dans les profondeurs des ténèbres du ténor de l’informatique mondial dans l’état de Washington. Les VC l’ont bien compris, en investissant des sortes astronomiques dès le départ, pour totaliser 1,6 milliard de $, contre 50 m$ pour Adallom, avec une dernière resucée de 800m$ (rien qu’un peu) ce mois-ci (table 4). La croissance semble cependant baisser en deçà du triple digit (le dernier 50% est purement fictif pour maintenir l’illusion de la difficulté), mais il n’est pas avéré. Vous savez bien que les magiciens conservent leurs trucs secrets, et c’est pareil en finance privée. Aucune information ne filtre, et tout doit être imaginé (j’ai beaucoup d’imagination). Quelques informations glanées cà et là permettent de construire des limites afin que l’esprit ne s’évadent pas au delà du raisonnable.
C’est le cas de la valorisation qui avoisinerait les 10 milliards de $ après la dernière levée d’après les dires de la toile, qu’on retrouve dans la PMV à 10,31 milliards (faut savoir être précis). Mais le clou du spectacle dans cette table de capitalisation est plutôt la valeur du cours de l’action, qui approcherait désormais les 27$ (26,66$, faut savoir être précis). En comparant le tour précédent, avec le site notice.co qui diffuse quelques cours de sociétés privées avec un retard de quelques semaines (les bougres), le cours précédent à 17,81$ était en ligne avec le leur. Que va alors faire Wiz avec les 800 millions de $ récoltés en Mars 2024? Une première réponse est arrivée très rapidement avec l’annonce d’un nouveau tour de passe-passe. Wiz qui avait tenté d’avaler SentinelOne, mais n’avait pu le sortir du chapeau il y a quelques mois, vient à la place de saisir Gem Security par les (longues) oreilles pour 300m$. Cela va permettre de rentrer sur le marché de l’Incident Response qui va rajouter une corde à l’arc déjà très tendu de la sécurisation des clouds. De quoi relancer, la croissance (comme si elle avait besoin de cela).
Mais où va donc s’arrêter Wiz (et par la même cet article trop long)?
Le prestige de l’IPO: Tout tour de magie s’articule en trois actes. Il débute par la promesse, Adallom dans notre histoire. Il se poursuit par le tour lui même, Wiz. Il se conclut de façon magistrale par le prestige, qui dans notre industrie est l’IPO (à voir absolument le film “Le Prestige” avec Christian Bale & Hugh Jackman). Parce qu’après tout, le marché semble reprendre des couleurs avec pas mal de levées en ce moment. L’inflation décline. Par effet, les intérêts composés (l’autre magie de la finance) baissent. Les valorisations remontent. Et les loups de Wall Street ont (encore) faim. Ne sont-ils jamais rassasiés? (À demander à notre CEO Hock Tan qui rachète VMware).
Bref, ce serait fantastique de conclure en déterminant sans coup férir le futur cours de l’action, si par exemple l’IPO se déroulait le jour de mon anniversaire, le 11 février prochain, alors que les investisseurs actuels ne souhaiteraient pas diluer leur acquis de plus de 3%. Il est temps d’énoncer la formule magique
Dans un an, flirtant avec le milliards de $ de résultats à 998,52 millions de $, avec un “Price-to-sales” de 15,6x en ligne avec les hypothèse passées pour un retour de 40% sur un an, sans diluer les investisseurs précédents de plus de 3%, il est possible de lever 467,3 millions de $ additionnels le jour de l’IPO.
Une telle manoeuvre propulsera la valorisation de l’entreprise à plus de 15,1 milliards (PMV) et le cours de l’action à près de 39$. Bien sûr, 15 milliards de $ de valorisation sont loin de 91 milliards de Palo Alto (qui n’est plus la compagnie à 100 milliards) ou des 77 milliards de Crowdstrike (c’est cher dit la rengaine). Mais cela reste extraordinaire comparé à ZScaler à 28 milliards, Okta à 17 milliards et SentinelOne à 6,8 milliard. D’autant que Wiz, la belle inconnue, n’a que cinq ans d’existence.
Pour les quatre magiciens, qui conservent près de 50% des parts d’après la table de capitalisation (table 5), cela représente un pactole de 1,8 milliards de $ chacun, eux qui n’avaient que maigrement touché 25 millions de $ avec Adallom.
On espère qu’ils vont s’arrêter là… il parait que l’argent rend fou!
Bonne continuation à toutes et tous, et au plaisir de vous saluer au FIC.
18 Mars 2024
L'auteur possède des d'actions de Palo Alto et Okta. L'auteur n'a accès a aucune information particulière autres que celles disponibles dans les rapports d'activités ou articles publics sur le web. Les hypothèses indiquées dans cet article sont purement spéculatives et peuvent s'avérer fausses.
Si cet article vous a intéressé, vous pouvez en retrouver d’autres dans l’ouvrage “Histoire dIPO: 10 cas pratiques en Cyber Sécurité”